Femmes et profils atypiques : Pourquoi si peu de pouvoir dans les entreprises !
Depuis plus de vingt ans, la question de l’accès des femmes aux postes de pouvoir économique progresse dans le débat public. Les lois et quotas ont permis une avancée indéniable : 45 % des administrateurs dans les conseils des grandes entreprises françaises sont désormais des femmes. Mais cet apparent succès cache un échec persistant : dans les comités exécutifs et les directions générales, elles représentent encore moins de 20 %. Ce paradoxe met en lumière un plafond de verre qui, malgré les réformes, demeure tenace. Et il ne touche pas seulement les femmes, mais aussi l’ensemble des profils atypiques dont le parcours ne correspond pas au moule traditionnel.
Les critères traditionnels perdurent
Le système de sélection des dirigeants reste largement fondé sur des critères hérités d’un autre temps. Grandes écoles, carrière linéaire dans des secteurs côtés, passage obligé par les directions financières ou commerciales : ce « CV idéal » est devenu un sésame implicite. Pourtant, ce moule a été construit dans un monde où l’entreprise se pensait masculine, homogène, et où la mobilité internationale ou la disponibilité permanente semblaient aller de soi. Tant que ces filtres persistent, ils écartent de fait nombre de femmes et de candidats aux parcours différents.
Les parcours atypiques comme richesse
Or, l’économie d’aujourd’hui a besoin d’autres profils. Des femmes, des dirigeants passés par des cursus scolaires atypiques, des talents venus de l’international, ces trajectoires qui apportent une compréhension plus fine des dynamiques contemporaines : agilité, ouverture, diversité culturelle. Ce qui devrait être considéré comme une richesse demeure trop souvent vu comme un risque. Les entreprises, en reproduisant les mêmes profils au sommet, se privent d’une source précieuse d’innovation et de résilience.
Remettre en cause le “profil idéal”
Le problème est donc moins le manque de candidates ou de candidats atypiques que l’existence d’un « profil idéal » figé. Celui-ci, calqué sur la figure masculine traditionnelle du dirigeant, n’a pas évolué au rythme de la société. En valorisant avant tout la stabilité et la conformité, il étouffe la diversité des styles de leadership. Remettre en cause ce modèle, c’est accepter que le pouvoir puisse s’incarner différemment : par la coopération plutôt que par l’autorité, par l’expérience terrain plutôt que par la carrière académique classique.
Succès dans la gouvernance, échec dans l’exécutif
La féminisation des conseils d’administration prouve qu’un changement est possible. Les administratrices contribuent à améliorer la gouvernance, diversifient les points de vue et renforcent la performance stratégique. Mais du côté des comités exécutifs, la dynamique reste bloquée. Là où la loi a imposé des quotas, les portes se sont ouvertes. Là où les entreprises conservent la main, les résistances persistent. Le plafond de verre ne tient donc pas à un déficit de talents féminins, mais à la reproduction de mécanismes de sélection inchangés.
La responsabilité des chasseurs de têtes
Dans ce processus, les chasseurs de têtes jouent un rôle central. Ce sont eux qui, mandatés par les conseils et les dirigeants en place, identifient les « bons profils ». Leur influence est déterminante : ils peuvent soit élargir le vivier, soit au contraire l’enfermer dans une logique de reproduction. Beaucoup continuent de privilégier la sécurité d’un parcours classique, plutôt que d’oser proposer des candidats atypiques. Leur responsabilité est donc engagée dans le maintien du plafond de verre, mais aussi dans sa possible disparition.
Pourquoi le plafond de verre résiste-t-il ?
Parce qu’il n’est pas qu’une barrière juridique, mais une construction culturelle. Parce qu’il repose sur des représentations implicites de ce qu’est un dirigeant légitime. Parce qu’il combine une multitude de filtres : parcours académique, disponibilité totale, mobilité internationale, réseau d’influence, absence d’interruptions de carrière. Ce n’est pas un mur unique, mais une succession d’obstacles invisibles qui, additionnés, réduisent la diversité des élites économiques.
Accepter et vouloir
Pour permettre aux femmes et aux profils atypiques d’accéder réellement aux postes de décision, deux conditions doivent être réunies. Le système doit d’abord accepter de changer, en valorisant des parcours différents et en cessant de confondre conformité avec compétence. Mais les prétendants doivent aussi le vouloir : oser se projeter dans ces fonctions, revendiquer leur légitimité et refuser de s’autocensurer.
Ce n’est qu’à cette double condition – un système qui s’ouvre et des candidats qui s’affirment – que le pouvoir économique pourra enfin refléter la diversité des talents qu’il prétend représenter.
